La goutte qui fait déborder le robinet

 

Samedi soir à minuit, alors que je me trouvais à une fête très sympa, mon cher voisin de dessus m’appelle pour se plaindre d’une fuite d’eau au plafond. Bien obligé, je rentre en urgence à la maison, à contrecœur.
Je ne parviens pas à comprendre immédiatement l’origine de la fuite et je ferme alors le robinet d’arrivée d’eau. Je me retrouve sans eau courante. Pas très grave pour une soirée surtout arrosée au whisky.
Le lendemain matin, mes projets du dimanche sont chamboulés vu que je dois me consacrer à la recherche de la fuite et m’improviser plombier.
Je démonte toute la cuisine, découvrant des cadavres d’insectes, des fragments de verre, des casseroles que je croyais perdues à jamais, une quantité innombrable de sacs plastiques et aussi une dame-jeanne d’huile.
Je découvre que c’est le flexible du robinet qui fuit. Pas si grave, finalement, pensai-je. Ils sont faciles à changer et ne coûtent pas grand chose. Juste un petit ennui.
J’essaie de démonter le flexible, mais bizarrement, je n’y arrive pas. Mais je n’ai pas tellement envie de me triturer les méninges en ce beau dimanche ensoleillé.

Le lendemain, lundi, avec mon robinet, je vais dans un grand magasin de bricolage et pendant qu’un employé visiblement très compétent et compréhensif m’explique une chose absurde et terrible, le robinet commence à déverser de l’eau comme par enchantement, plusieurs heures après avoir été démonté… Je n’aurais jamais imaginé qu’autant d’eau soit contenue dans un robinet. Comme s’il était en train de pleurer à ma place…
Alors que le filet de larmes goutte sur le sol du supermarché, j’entends, avec ahurissement, que ce robinet de l’une des plus grandes marques comporte des flexibles soudés et donc, non démontables. Et me voici donc obligé d’acheter un robinet neuf entier!!

Et donc au lieu de changer seulement un petit tube de métal de 200 g à 5 euros, je suis contraint de jeter un très bon robinet de 3,5 kilos de précieux métal et qui valais 200 euros !
Ce phénomène s’appelle Obsolescence programmée !
Je décide résolument à ne pas racheter quoi que ce soit de la même marque, aussi bonne soit-elle, car elle pratique cette politique de pièce unique non réparable. C’est comme si on vendait un vélo dont on ne pouvait pas changer les pneus. A peine crevés, on doit jeter le vélo en entier !!
J’achète non pas un mauvais article, probablement programmé pour casser d’ici deux ans (et sûrement un samedi soir pendant que je suis à une fête de l’autre côté de la ville), mais un produit de qualité moyenne garanti au moins cinq ans.

Mais je ne peux pas me résigner à cette absurdité. Je calcule ce qu’ils m’ont fait “produire” en terme de gâchis : 3,5 kilos de bon métal que je ne sais pas où consigner pour qu’il soit réutilisé ou recyclé au mieux ; des heures et des heures pour trouver et réparer la fuite à un endroit inaccessible sous le lavabo, des heures de travail pour la réparation et enfin l’achat d’un autre kilo de métal en forme de robinet. Sans compter les super occasions manquées à la fête de samedi soir…
Mais je ne peux pas me résoudre à ce phénomène inéluctable de la modernité. J’écris ce petit article, je fais des recherches sur internet sur la robinetterie Grohe, j’accuse sans hésitations la marque de robinets et quoi qu’il en soit, j’essaierai de réparer ce robinet, maintenant que j’ai de toute façon l’eau à la cuisine et que je dois en boire beaucoup…
Je n’attendrai pas que l’eau coule sous les ponts. Ni qu’elle ruisselle jusque sous mon lit.

Autre paradoxe : sur le web, je découvre que soi-disant les robinets Grohe sont garantis à vie !! Sur leur site je trouve ce slogan : la qualité pour la vie. Et même qu’ils parlent de développement durable : http://www.grohe.com/it/16351/scegliere-grohe/sostenibilita/
Mais que signifie tout ça si tu ne peux pas remplacer une pièce, dû à l’usure ordinaire ?
Ça sent le greenwashing. l’écoblanchiment!
Voilà pourquoi je fais des documentaires sur les déchets et le plombier.
Même si je devrais plutôt dire « je tente de faire », vu que je passe une bonne partie de ma vie quotidienne à combattre l’obsolescence programmée, la mauvaise gestion, la stupidité humaine, les déchets, en somme !

Traduction de Magali Jeancler